Texte 7 • Une famille d’icebergs

Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s’accouder aux nuits enchanteresses de l’hyperboréal.

Icebergs, Icebergs, cathédrales sans religion de l’hiver éternel, enrobés dans la calotte glaciaire de la planète Terre.

Combien hauts, combien purs sont tes bords enfantés par le froid.

Icebergs, Icebergs, dos du Nord-Atlantique, augustes Bouddhas gelés sur des mers incontemplées. Phares scintillants de la Mort sans issue, le cri éperdu du silence dure des siècles.

Icebergs, Icebergs, Solitaires sans besoin, des pays bouchés, distants, et libres de vermine. Parents des îles, parents des sources, comme je vous vois, comme vous m’êtes familiers…

Henri Michaux, « Icebergs », La nuit remue (1935)

Par ÉliseT.

Docteure en philosophie et littérature, je mène des recherches sur la poésie contemporaine. J’enseigne l’esthétique, la philosophie de la pub et la philosophie de terrain. À travers « une certaine plume », j’accompagne des créateurices et des praticien•nes dans la définition et la conceptualisation de leur travail.